Bonjour à tous,
Pour faire suite à un échange un peu acide entre Franck et moi-même sur le sujet du Haut-Cavu et des sites "sensibles" en Corse, j'ai été amené à aborder les impacts des activités nature sur la montagne corse et ai indiqué qu'à mon avis le canyoning était l'activité qui avait le plus d'impacts négatifs sur l'île parmi les "activités nature", en excluant évidemment les activités motorisées.
D'où le sujet de ce post où Franck m'a demandé d'expliciter et d'ouvrir la discussion.
Quelques idées personnelles sur le sujet en vrac :
- Activités nature en montagne corse = VTT, randonnées de tous types, escalade, "ravinisme" (par comparaison avec le canyoning, puisque cela faisait partie du débat entre nous, la remontée de ravins pas forcément aquatiques), canyoning. J'exclus les sports marginaux en Corse (wingsuit, base jump, ...).
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Le VTT ne semble poser aucun problème sur l'île car avec peu de pratiquants et majoritairement sur des pistes forestières qui n'en ont rien à faire. Mais je peux me tromper, car je pratique peu... Les impacts évidents sont communs à toutes autres activités ci-dessous et concernent la faune et la flore environnantes qui en sont perturbées !
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La randonnée a peu d'impacts environnementaux sur l'île sauf en certains points très ciblés du fait de leur fréquentation : à commencer par
le GR20 et ses 30000 passages/an (je ne suis pas sûr de ce chiffre, mais on le voit de temps en temps) sur un parcours où les refuges sont rustiques et insuffisants et les pratiquants inexpérimentés et sans-gêne sauf accompagnés par des pros, quelques parcours bien connus (Melu/Capitellu, Ninu, Trou de la Bombe...) et en nombre assez restreint. Hormis ces exceptions, la montagne corse est désertée par les randonneurs par comparaison avec les massifs alpins et pyrénéens et l'on n'y constate que peu de problèmes, tous essentiellement liés à la multiplication des traces et cairns dans des coins où il n'en est nul besoin. La multiplicité des sites où l'on peut randonner et les innombrables possibilités de hors-sentiers font qu'à mon avis la Corse n'a pas grand chose à redouter des impacts de cette activité avant longtemps...
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L'escalade pose souvent des problèmes critiques sur le continent, mais ici, et pour les mêmes raisons que la randonnée (multiplicité des sites, fréquentation faible sauf en certains sites), elle a comme principal impact négatif l'équipement nécessaire des falaises et des grandes voies alpines (spits, goujons, ...) qui reste en place après ouverture. Cela paraît bien maîtrisé sur l'île et à part la fréquentation exceptionnelle des voies proches du col de Bavella et du Pulischellu/Purcaraccia (on reparlera, car cela vient s'ajouter sur place au canyoning et à la baignade en vasques), il n'y a que quelques autres problèmes classiques connus et limités : propriétés privées nécessitant accord (ou non comme à Pietralba) du propriétaire, accès par des propriétés privées, sans-gêne de certains grimpeurs, ...
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Le ravinisme rejoint beaucoup le canyoning pour ses impacts négatifs mais en moindre nombre. Contrairement au canyoning, la remontée des ravins se fait 1°) en évitant l'eau au maximum, 2°) sans mettre d'amarrage ou d'équipement particulier 3°) sans escalade en contournant les obstacles infranchissables par le maquis (presque toujours possible). Ce sont parfois les mêmes sites quand il y a de l'eau, mais la plupart des ravis corses sont inutilisés en canyoning, d'où une bien plus grande diversité de sites et de lieux qu'en canyoning. Enfin, en dernier, c'est une activité peu pratiquée même sur l'île, sans doute parce qu'elle demande beaucoup plus d'efforts physiques et qu'elle n'a pas l'aspect ludique du canyoning !
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Le canyoning cumule tous les impacts négatifs des activités précédentes : utilisation d'accès par pistes forestières + sentiers+ sentes + hors-sentiers , mise en place d'amarrages et d'équipements spécifiques comme en escalade, ... Les impacts supplémentaires sont importants et spécifiques : pratique limitée à un nombre réduit de sites (79 sur la base de données de descente-canyon.com) et marche dans l'eau avec impact sur faune et flore des ruisseaux que n'ont pas les autres pratiques, fréquentation importante de l'activité ayant amené des organismes commerciaux à s'y intéresser et à encadrer des groupes payants (en randonnée, cela existe aussi mais là encore limitée principalement à de l'accompagnement GR20), saturation exacerbée de certains canyons célèbres par leur cadre et leur facilité d'approche et de retour...
Conclusion (perso) : Impacts faune/flore autour des accès communs à toutes les pratiques, quelques parcours saturés pour la randonnée, amarrages en plus pour l'escalade, mais marche dans l'eau avec impact faune/flore en ruisseau, utilisation d'équipements à demeure, forte pression commerciale, etc... en plus pour le canyoning par rapport aux autres.
Voilà ce qui m'avait amené à écrire que le canyoning était l'activité actuellement la plus
nuisible pour la montagne corse !!

Et le sujet de cette discussion...
Pour compléter ce rapide tour d'horizon de quelques activités nature en montagne corse et se faire une idée des impacts indiqués, il suffit de faire un tour à Bavella cette année dans les 4 principaux canyons parcourus.
- La balade aquatique du Fiumicelli devient en été un lancinant défilé de familles avec enfants piaillant à chaque vasque rencontrée alors que le parking de Rocchiu Pinzutu a été privatisé par un club de canyoning interdisant de s'y garer, obligeant les voitures à se garer le long de la route de Bocca di Larone (heureusement refaite) et utilisant le départ du chemin vers le torrent comme chiottes pour leurs clients !
- La Vacca est impraticable depuis la fin des années 90 entre 15 juillet et 15 août par ceux qui n'aiment pas faire la queue dans les canyons, les vasques en amont du départ sont devenues des "piscines naturelles" indiquées dans les guides (et certains acceptent de marcher pour s'y baigner) et le sentier de retour continue à être encombré de multiples variantes liées aux errances des canyoneurs à leur remontée. J'en ai retrouvés qui grimpaient dans le Castellucciu d'Urnucciu !
- Le Purcaraccia ! Là, évidemment, c'est le pompon, mais ce n'est pas la seule faute du canyoning ! Les groupes amateurs ou encadrés par des BEs s'enchaînent du matin au soir en faisant les rappels des deux cascades de 40m et en zigzaguant entre les serviettes, les crèmes bronzantes et les baigneurs venus là aussi goûter aux piscines naturelles. Évidemment, cela n'est pas sans impact sur le site : chemin d'accès ravagé avant de rejoindre le cours d'eau, soutènements écroulés, sentes trompeuses descendant directement dans le torrent, sente d'accès au sommet de la 1ère cascade par la RG défoncée par les passages (la fissure rocheuse en zigzag souvent utilisée à la montée et anciennement abondamment pourvue d'arbres facilitant la montée ne possède plus que deux arbres prêts à rendre l'âme et quasi-déracinés => danger), nouvelle sente d'accès par la RD ouverte depuis peu à force d'errances de touristes dans la montée dans le maquis (je l'ai faite à la descente : cela m'a rappelé le sentier Cristinacce - Marignana miné par les cochons locaux !), dalles patinées pour les accès aux deux toboggans, petit couloir de contournement de la 2ème cascade avec un pas d'escalade de plus en plus patiné, cairns dans le lit du cours d'eau au-dessus de la 2ème cascade, effondrement de parties entières de l'ancien chemin de bardage de l'usine à bois 989m rendant certaines parties dangereuses, ... Pour ceux qui ont connu ce ravin désert jusqu'en 1995 avec un environnement préservé, cela fait une drôle d'impression...
- Le Pulischellu ! A peine moins pire que le Purcaraccia, car un peu moins connu mais beaucoup plus fréquenté par les grimpeurs ! Là encore, difficile de reconnaître le "Monde Perdu" de Conan Doyle vanté par les premiers explorateurs dans les années 70 et les ptérodactyles d'aujourd'hui ont vraiment de drôles de têtes... Là encore, succession de groupes de canyoneurs + pataugeurs = multitude de sentes et de cairns dans tous les sens. Je n'ai même pas réussi à retrouver la sente originelle en RD qui menait bien au-dessus du ruisseau et permettait d'arriver à la cascade à 800m sans aucune escalade. La sente d'aujourd'hui repasse en RG en bas des dernières cascades (une bonne centaine de baigneurs vous y attendent) et franchit quelques pas d'escalade équipés. Des cordes fixes ont été posées dans le contournement par la RG de la cascade 800m !
Ayant abandonné depuis pas mal d'années ces descentes de canyons corses, je garde quand même encore le souvenir de ces deux BEs au Baraci qui ont équipé à demeure cordes fixes + tyroliennes + sente d'accès départ + sente d'accès retour au même point sur une partie du canyon qui permet une descente raccourcie et ludique d'une heure avec leurs groupes qu'ils accompagnaient (à deux, ils se faisaient 6 groupes de 12 dans la journée). Joli exemple d'imagination, mais pas terrible pour l'environnement de ce canyon qui demande normalement environ 3h de descente et qui revient maintenant par le Mare a Mare !
Et je ne parle pas de la Richiusa que je n'ai pas faite depuis longtemps !
Il y a sans doute d'autres exemples du même type qui pourront être rapportés sur ce forum, mais le site de Bavella me paraît bien parti pour que l'on commence à réfléchir sur comment le faire évoluer pour éviter les dérives actuelles qui deviennent invraisemblables. En tout cas, il est bien représentatif des impacts négatifs du canyoning (cumulé à d'autres, sans doute) sur la montagne insulaire que l'on ne rencontre pour aucune des autres activités, sauf peut-être le parking de Grotelle et la montée au lac de Melu qui sont pas mal non plus dans le genre...
A vous de réagir et dire si vous allez dans le même sens que moi (nocivité non contrôlée du canyoning sur certains sites), si vous en êtes conscients et si vous avez une idée des solutions à y apporter... en commençant peut-être par regarder celles adoptées sur le continent !