Ci-joint, le courrier de la FFS adressé à la Ministre de la jeunesse et des sports

A suivre pour que ça ne reste pas lettre morte.
Lyon, le 12 octobre 2007
Madame la Ministre,
Je souhaite attirer votre attention sur une situation préoccupante liée à
la gestion des Equipements de protection individuelle (EPI) contre les
chutes
de hauteur dans le cadre des activités sportives et de loisirs, gestion
actuellement réglementée par le code du travail.
Le décret du 19 mars 2004, qui a modifié l’article R233-155 du code du
travail en autorisant le prêt, la location ou la mise à disposition
d’EPI, a assoupli les dispositions antérieures, qui ne l'autorisaient que
dans le cas de matériel neuf. Il n’en demeure pas moins que la
réglementation du travail appliquée aux activités de loisir impose des
contraintes peu en rapport avec la réalité de ces activités.
La pratique de la spéléologie et du canyon organisée dans les associations
affiliées à la fédération nécessite l’utilisation d’une quantité
importante de matériel EPI destinée aux actions d’initiation et aux
sorties collectives habituelles. Il faut insister sur l'absence connue de
tout accident depuis plus de 10 ans mettant en cause ces EPI dans nos
disciplines et y voir là, le résultat des efforts de formation des
pratiquants réalisés par les fédérations délégataires.
La fédération a édicté en janvier 2006 des recommandations fédérales
pour la gestion de ce type de matériel afin de tester les futures
préconisations de la norme actuellement élaborée au sein de l'AFNOR. Ces
recommandations sont devenues obsolètes au regard du code du travail, le
projet de norme initial ayant été refusé par le Ministère du travail.
Cela montre bien l'inadéquation de ce cadre légal puisque le texte ,
élaboré conjointement par les fédérations et les fabricants, a dû être
largement amendé pour répondre aux exigences du monde du travail.
Il apparaît que ces règles de gestion édictées pour assurer dans le monde
du travail la sécurité de salariés encadrés parfois par des responsables
sans connaissances spécifiques du matériel, sont en décalage profond avec
la réalité de l’utilisation et de la gestion de ces matériels par nos
encadrants, experts de leur discipline sportive.
Un récent contrôle opéré par la direction départementale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Ain
dans un club affilié à la fédération, a relevé de nombreuses «
infractions » au code du travail dont la légitimité dans le cadre des
activités des fédérations, comme nous venons de l'indiquer, doit largement
être mise en cause. Ce contrôle a mis en évidence l’impossibilité de
remplir l’ensemble des obligations liées à la gestion des EPI et a
profondément ému l’ensemble des clubs de la fédération, car la
généralisation de tels contrôles aurait pour effet certain de mettre en
péril toute activité dans nos clubs.
Je prendrais quelques exemples de l’inapplication de certaines règles
actuellement en vigueur.
La traçabilité de chaque matériel
Cette exigence nécessite que le fabricant prévoie un dispositif de marquage
apposé par le propriétaire sur chaque EPI, de façon visible, lisible et
indélébile, pendant toute la «durée de vie» prévisible de cet EPI. Ce
n'est pas le cas des mousquetons pour lesquels les fabricants recommandent
un marquage par inscription au feutre sur ruban adhésif. Ce dispositif ne
résiste pas à la pratique de la spéléologie.
De même pour les cordes, le marquage aux extrémités a pour conséquence de
rigidifier celles-ci générant un risque grave de blocage de la corde lors
de son rappel, voire un risque de blocage du pratiquant de la descente de
canyon à l'arrivée dans une vasque en fin de corde. Ce qui peut se
révéler dramatique si le pratiquant se trouve alors sous une cascade.
Les notices d'information des fabricants
Malgré l'obligation qui leur est faite, de nombreux distributeurs omettent
de joindre à leurs produits les notices d'information des produits vendus. Cela
est particulièrement vrai pour les cordes vendues au mètre et pose donc aux
clubs des difficultés pour respecter les obligations du code du travail qui
stipule que chaque matériel doit être accompagné de sa notice.
La durée de vie des matériels fixée par les fabricants en nombre d'années, elle n’est pas en cohérence
avec l’utilisation qui peut en être faite : à raison d’une vingtaine de
sorties annuelles en moyenne, un casque dont la durée de vie serait fixée à
3 ans, devrait être mis au rebut après 60 utilisations. Très loin du nombre
d’utilisations possibles avec le même équipement dans le cadre d’une
activité salariée quotidienne…
Si, aujourd'hui, les clubs peuvent orienter leurs achats de matériels en
fonction des indications des fabricants, ils n'étaient malheureusement pas
assez sensibilisés à ce problème il y a peu d'années et se retrouvent en
possession de matériel en parfait état de fonctionnement mais inutilisables
au regard de la réglementation. C'est notamment le cas du club qui a été
contrôlé par la DDCCRF de l'Ain. Ce club a cessé toute activité depuis la
notification qu'il a reçue et n'envisage pas de pouvoir les reprendre,
principalement pour l'initiation, avant plusieurs mois, faute de crédits
pour acquérir les matériels nécessaires.
Le code du travail prévoit également la présentation d’un certificat de
conformité pour chaque EPI mis à disposition de chaque utilisateur.
Le signataire d’un tel document, engageant sa responsabilité, atteste que
le matériel concerné répond bien aux « dispositions techniques qui lui
sont applicables ». Ces dispositions techniques recouvrent entre autre les
caractéristiques de résistance initiale du matériel que le fabriquant est
tenu de respecter en vue de sa mise sur le marché. Or, les vérifications
indiquées par les fabricants dans la notice d’utilisation sont de nature
visuelle, tactile et fonctionnelle et elles ne permettent donc pas
d’attester que la résistance des dits équipements répond bien toujours
aux dispositions techniques initiales. Il est par conséquent impossible
voire malhonnête d'exiger de nos pratiquants qu'ils signent ce document.
Certes, il n’est pas question d’exonérer la spéléologie et la descente
de canyon de tout contrôle destiné à vérifier la fiabilité de ces
équipements, mais d’adapter ceux-ci à la réalité de la pratique. La
mise en œuvre volontaire de nos recommandations par les différentes
structures de la fédération nous a permis de faire un bilan et d'envisager
de définir des règles de sécurité adaptées à même de garantir à la
fois nos pratiquants et la pérennité de la pratique. Ceci entre normalement
dans la mission d'une fédération délégataire comme le prévoit l’article
L131-16 du code du sport.
A cet effet, nous souhaiterions qu’une action du Ministère permette de
retirer du champ du code du travail les disciplines pratiquées au sein des
fédérations, et de légiférer dans le sens d'une responsabilisation des
acteurs du monde sportif et associatif qui ont toujours montré leur
implication et leur sérieux à vos côtés.
Espérant qu’un soutien de votre part permettra de faire évoluer la
réglementation, je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’assurance
de ma respectueuse considération.
Bernard LIPS
Président de la Fédération
française de spéléologie