article scientifique sur l'incision des canyons de l'Oisan

Echanges relatifs à la pratique de la descente de canyon en général : questions techniques ou débats éthiques, matériels, ouvrages & topos...
jojorgc
rank_5
Messages : 563
Inscription : sam. 23 juil. 2011 22:08

article scientifique sur l'incision des canyons de l'Oisan

Message par jojorgc » dim. 18 nov. 2012 19:18

Salut à tous,

Je vais tenter de vous faire un petit compte rendu d'un article relatif aux incision des canyons de l'Oisan écrit par Pierre Valla en 2010, membre du Laboratoire de Géodynamique des Chaînes Alpines à Université Joseph Fourier de Grenoble. L'article est en anglais et assez technique. (le lien http://hal.inria.fr/docs/00/60/96/28/PDF/PL02575.pdf )



Les auteurs ont donc voulu comprendre la manière dont ce sont incisés dans le lit rocheux les cours d'eau provenant des grandes vallées glaciaire suspendues et perpendiculaires dans les hautes vallées de la Romanche et du Vénéon. Ils se sont particulièrement focalisés sur le Diable, le Ga et les Etages (parcouru hier avec Cedric "krakaoui" et Olivier), tous trois fréquentés assidument par les canyoneurs.

Pour débuter, à partir des cartes topo, les auteurs ont retracé le profil en long des cours d'eau en haut des berges afin d'obtenir le profil d'érosion glaciaire. Ils ont ensuite comparé avec les profils en fond de lit obtenus avec les cartes topos (mais sans avoir parcourus les canyons). Ils ont donc obtenu le profil initial et le profil actuel des canyons.

A partir du profil initial, les auteurs ont appliqué plusieurs modèles d'incision afin de comprendre quels processus sont à l'origine de l'érosion. Ils ont supposé que l'altitude actuelle des vallées du Vénéon et de la Romanche n'ait pas trop évoluée. Le premier modèle est celui de l'érosion d'un lit rocheux à partir d'un knickpoint. Il s'agit donc d'un point "dur" d'un cours d'eau qui crée une rupture de pente important (et donc des cascade). Ces knickpoint sont le lieu d'un processus d'érosion régéressive, c'est à dire que la position de la rupture de pente va reculer. Le site le plus emblématique de ce processus sont les chutes du Niagara (cf wikipédia pour le recul des chutes). Les modèles ont donc généré un profil théorique d'incision mais peu satisfasant car n'étant pas similaire au profil réel.

Les auteurs ont ensuite appliqué un modèle avec une érosion limité. C'est à dire qu'ils ont supposé que l'érosion du lit rocheux a été limité par des blocs qui se sont détaché des parois pendant l'incision et que les torrent n'ayant pas la capacité à exporter ses blocs, ces derniers protègent le lit de l'érosion. Les résultats de la modélisation était plus satisfaisant.

Le modèle le plus satisfaisant est en fait le modèle d'érosion fluvial "classique" appliqué aux torrents n'évoluant pas sur les lits rocheux. Si cette modélisation fonctionne bien, les auteurs sont incapable d'expliquer pourquoi.


Maintenant la "critique" de l'article.

- tout d'abord, pour les Etages et le diable, ont retrouve juste à l'aval de ce dernier un "lanslide dam". Il s'agit d'un barrage naturel crée par un très grand mouvement de terrain, ici, un énorme écroulement rocheux que vous n'aurez pas de problème à voir en vous rendant sur place. Ce barrage n'a pas rompu et a donc très probablement exhaussé le niveau de la vallée en amont qui s'est remplie progressivement. Les auteurs ont-ils daté cet évènement? l'on-t-ils pris en compte dans leur modèle?

- Ensuite les auteur n'ont pas pris en compte les faiblesses tels les fracture qui vont faire que l'incision des canyonsne sera pas rectiligne mais présentera des sinuosités.

- Les auteurs ont également supposé que le glacier n'avait pas joué de rôle lors de l'incision des canyons. Or, comme on peut le voir dans les torrents de la vallée de Chamonix (mon terrain d'étude), les glaciers ont joué un rôle dans l'incision des "canyons" (cf, les photos de la Mer de glace dans "les gorges de l'Arveyron" (je la mettrai si je la retrouve". L'incision des canyons n'est, je le pense pas intervenu uniquement depuis la déglaciation de ces vallées, et doit trouver des origines lors des précédentes périodes inter-glaciaires.

- La présence d'alluvions (=galets) était probablement beaucoup plus importante lorsque les glaciers de ces vallées suspendues était plus grands. On peut voir ce phénomène de "vidange" des canyons pro-glaciaire toujours dans la vallée de Chamonix. Dans les années 40, le torrent des Favrands, aujourd'hui canyon pratiqué, n'avait pas son lit directement sur le lit rocheux mais sur une épaisse couche de galets disparue depuis.

-Enfin, les auteurs ne semblent pas avoir fréquenté les canyons. Ils leur manque donc peut être une approche terrain plus conséquente...



Voilà. Merci à ceux qui auront eu le courage de tout lire. J'espère avoir été suffisamment clair. N'hésitez pas si vous avez des remarques, des questions, etc.


Johan

Avatar de l’utilisateur
Caracal
rank_5000
Messages : 9851
Inscription : mer. 11 févr. 2004 20:52
Localisation : Monde
Contact :

Message par Caracal » dim. 18 nov. 2012 19:59

Voilà une étude bien passionante :)
Quoi qu'il en soit, on finira tous un jour dans un lit :mrgreen: :mrgreen:

bengo
rank_2
Messages : 225
Inscription : mar. 19 juil. 2011 09:43
Localisation : Nelson New Zealand

Message par bengo » dim. 18 nov. 2012 21:25

très intéressant, mais encore beaucoupde zones sombres à éclairer :shock:
Je ne suis pas allé partout, mais je suis revenu de tout (coluche)

Corwin
rank_3
Messages : 301
Inscription : lun. 10 mai 2010 15:09
Localisation : Aix en provence

Message par Corwin » lun. 19 nov. 2012 11:39

-Enfin, les auteurs ne semblent pas avoir fréquenté les canyons. Ils leur manque donc peut être une approche terrain plus conséquente...
Peut-être une occasion d'inviter les auteurs à parcourir ses canyons, et les emmener les faire. Cela pourrait être très intéressent et sympathique afin de faire évoluer leur analyse.

jojorgc
rank_5
Messages : 563
Inscription : sam. 23 juil. 2011 22:08

Message par jojorgc » lun. 19 nov. 2012 19:17

Corwin a écrit :
-Enfin, les auteurs ne semblent pas avoir fréquenté les canyons. Ils leur manque donc peut être une approche terrain plus conséquente...
Peut-être une occasion d'inviter les auteurs à parcourir ses canyons, et les emmener les faire. Cela pourrait être très intéressent et sympathique afin de faire évoluer leur analyse.
C'est sûr. Je pense que je vais les contacter bientôt. Je verrai comment ça se passera avec eux, mais pour en avoir croisé un (Dimitri Lague) à une conférence la semaine dernière, ils sont cool. Mais faut pas trop que je leur donne envie de faire du canyoning, le géomorphologue torrentiel canyoniste, c'est ma niche :wink:

Sinon, pour Bengo, c'est ça la science, y'a toujours quelque chose à faire 8)

Répondre