Le 02 octobre, alors que la Méditerranée est bien chaude, une goutte froide se forme sur le continent. La première perturbation venue aurait déjà pu donner un résultat explosif mais la conjonction de nombreux éléments climatiques allaient faire rentrer cette date comme historique. De nombreuses personnes la considèrent déjà comme la tempête du siècle et les crues qu’elle a engendré comme millénaires, voire plus encore.
Il y a beaucoup d'informations sur le site internet des météorologues locaux. la lecture est un peu longue mais vaut le coup pour comprendre la suite. Les données exprimées sont couramment revues à la hausse, notamment en croisant les différentes mesures. Aujourd’hui certains sites évoquent quasiment 700mm d’eau par mètre carré soit 700 litres par mètre carré en environ 6h…
Le résultat ne se fait pas attendre. Les autorités ordonnent de fermer tout et de se cloîtrer chez soi. Commerces, écoles, accueil de public, tout ferme et c’est ce qui aura sauvé bien du monde. Pendant ce temps-là en montagne à partir de la mi-journée c’est le déferlement des éléments. Les routes deviennent des torrents, les blocs partent dans tous les sens, le vent fait rentrer l’eau partout, l'électricité se coupe, on comprend qu’il se passe quelquechose de très grave. Le réseau 4G résiste par endroit et on commence à prendre l’ampleur du désastre en cours. Depuis ma maison, on entend comme un tremblement de terre. A la faveur d’une accalmie, je comprend qu’il s’agit du ruisseau de Gorgia, situé 100 mètres sous le village qui est en crue. Je descends voir et c’est littéralement l’apocalypse. Le petit ruisseau large d’un mètre et rempli de gours de tuf aussi fragile qu’esthétique fait 30 mètres de large et charrie des gros blocs comme des voitures juste devant mes yeux. Le roulement de ces masses prend au tripes, une vibration aussi effrayante que fascinante. Très vite je déchante, un glissement de terrain part à quelques mètres de moi et emporte la route. Je me casse vite fait pour les 12 prochaines heures enfermé chez moi, inquiet comme jamais.


Le lendemain, c'est la désolation absolue. 2 vallées, Vésubie et Roya, entièrement coupées du monde, 3 autres, Var, Esteron et Tinée, bien entamées aussi , près de 50 routes coupées, une quinzaine de ponts emportés, l’armée et les gendarmes sont envoyés par hélico afin de sécuriser et d’aider. C’est une scène de guerre. Les premières images arrivent dans les médias, via facebook, on apprend que plusieurs amis ont déjà tout perdus, maison, proches.
bientôt deux mois après, une piste pour engin de chantier arrive enfin à Tende. Les habitants devraient pouvoir reprendre leur voiture que d’ici… 6 mois.



Les scientifiques expliquent les causes de ce désastre, notamment Johan Berthet dit Jojorq sur le forum en expliquant que les pluies ont causé des laves torrentielles avec un charriage de sédiment hors norme pour le département
On découvre le site sentinel-hub et très vite les canyonistes que nous sommes allons voir nos terrains de jeu. C’est la stupéfaction, par satellite on devine des dégâts phénoménaux. Les coups de téléphone s'enchaînent entre appels bienveillant d’amis et appels de crise, d’au secours auprès de confrères. J’ai plusieurs personnes de la FFME au téléphone qui comprennent l’enjeu de l'événement . Nous, locaux, voulons nous déplacer mais nous n’avons plus de route, les sentiers sont des coulées de boue instables et le préfet interdit littéralement nos déplacements à grand renfort de gendarmes. On est confiné à partir de ce 02 octobre.
Les routes rouvrent mais on a l’interdiction d’accéder aux massifs et aux vallées sinistrées. Le temps passe. On commence à pouvoir se déplacer, l’état nous re-confine pour la COVID19. Le même jour, attentat terroriste à Nice. Triple punition! Rester enfermé chez soi presque un nouveau mois complet en se disant que notre monde vient de s’écrouler.
Durant le confinement, on apprend que les restrictions de déplacement liées à la tempête sont levées et qu’on peut aider en temps que bénévoles dans les vallées, je vais aider. A quelques jours près, la FFME me recontacte pour aller voir les canyons du département. Les institutions préfecture et département ont enfin donné le feu vert et les autorisations pour faire un bilan. La fédé délégataire monte des équipes mixtes entre professionnels, fédéraux FFS, CAF, FFME et secours en montagne afin de dresser un bilan. Cette semaine les observations ont démarré et certains d’entre vous auront vu sur les réseaux sociaux des photos plutôt rassurantes comme Bollène tantôt désastreuses comme Maglia. Je rappelle qu’en dehors de ces interventions l’activité canyon aquatique est interdite jusqu’au 01 avril et qu’on est confiné chez soi pour cause de COVID. Donc personne ne peut aller voir les dégâts avant le printemps hormis ces équipes mixtes. Ce qui laisse quelques mois pour faire les travaux.
La Maglia est le canyon emblématique du département, un des plus beaux canyons de France et d’Europe. Quasiment tous les canyonistes l’ont fait dans leur vie. Les professionnels d’une vallée entière ont basé leurs métiers et leurs vies autour de ce canyon.
La Maglia est ravagée. Une lave torrentielle l’a parcouru avec une violence inouïe, arasant la roche jusqu’à 20cm(!!!), défonçant de fait les ancrages, déplaçant ou pulvérisant les blocs coincés, obstruant d’autre passage. Le canyon tel qu’il a été connu n’existe plus, la topographie à totalement changée, c’est un nouveau canyon. Les anciens amarrages se trouvent 3 à 6 mètres plus haut ou plus bas sous les gravats, les bassins sont tous remplis, le tuf arraché. La grotte a été engloutie mais a résisté. Il n’y a plus aucune concrétion et à la place il y a des grumes encastrées au plafond.




C’est le premier canyon dévasté parcouru en hors saison mais le peu observé via les réseaux sociaux ou en se déplaçant en voiture permet de constater que ce n’est pas le seul. D’observation directe : Cramassouri, Figuiette, Monar, Ullion, Saint Martin, Bairols, Gorgia, Bramafam, Pierrefeu, Ciavarlina, Ronson, Bassera sont impactés et surement pas mal de bouses. La FFME communiquera d’ici quelques semaines sur l’état des lieux officiel et pour l’instant aucune décision n’est prise vu qu’elle dépend du département et de la préfecture. La fédé œuvrant pour garder l’accès aux sites de pratique mais n’ayant pas le pouvoir décisionnaire. Quoiqu'il arrive, le travail sera colossal. Il faut refaire les routes et ponts, les sentiers, les ancrages, la signalétique...
Cramassouri

Monar

Sortie de l'Imberguet

Pierrefeu

Bassera

Gorgia

Concernant descente-canyon.com, il faut bien réaliser que l’accès aux modifications de fiches est malheureusement fermé, même aux modérateurs. Nous ne pouvons donc absolument pas avertir les usagers du changement dans les canyons. Autant dans les pratiquants français, beaucoup auront vu les inondations à la télé et feront le rapprochement avec des dégâts potentiels. Autant les étrangers ne sont absolument pas au courant et vont lire les fiches telles qu’elles ont été écrites il y a plusieurs années, se jetant dans des canyons profondément changés et pas forcément remis en état vu l’ampleur de la tâche.




Je n’ai malheureusement pas de solutions, à part informer ici même sur le forum, dans les observations et via des photos, en espérant que la situation évolue favorablement. Beaucoup bossent dur pour rendre le terrain de jeu aux usagers, n'interférez pas en voulant bien faire.
Affaire à suivre
Portez vous bien et soyez prudents!
Photos par Beranger Boulvert, Sylvain Carletti, Jeff Fugardi, Jeremy Martin, Guillaume Coquin, Christophe Frigeri, Guillaume Ciais