Synthèse des Etats Généraux du Canyon
C’est toujours un exercice délicat que de vouloir extraire la substantifique moelle de débats riches, souvent passionnés mais néanmoins courtois, ce qui n’exclut en rien la volonté d’être écouté et entendu. Vous avez été nombreux à participer aux différentes tables rondes dont une synthèse vient de vous être communiquée, et je tenais tout particulièrement à vous en remercier.
Cela démontre, s’il en était besoin, l’intérêt de ces premiers états généraux du canyon, et l’importance d’échanger ensemble sur tous les sujets ayant trait au canyonisme. Je ne vais pas, ne craignez rien refaire ce qui vient de vous être rapporté sur chacune des tables rondes, non, je vous parlerai de notre activité, celle qui nous réunit, nous déchire parfois mais toujours nous passionne.
Activité de pleine nature s’il en est, le canyonisme nous conduit à descendre des torrents plus ou moins impétueux, à nous jeter à corps perdu dans des vasques profondes, à profiter de ces moments uniques pour admirer l’action de l’eau qui taille les massifs, sculpte la roche et la modèle. Cette eau est fascinante et nous fascine parce qu’elle nous est vitale, nous rafraichit, nous désaltère, nous effraie lorsqu’elle fait la démonstration de sa force dévastatrice et gare à celui qui n’a pas tenu compte des signes avant coureur.
Mais en plus de cette communion avec l’eau, le canyon c’est aussi tout un environnement qui augmente encore son attrait et nous impose des responsabilités. Le respect d’abord de la nature elle-même mais aussi de tous ceux qui vivent à proximité, qui l’utilisent dans leur quotidien.
Lorsqu’on descend un canyon ne l’apprécie-t-on pas d’autant mieux qu’on s’est au préalable imprégné de son histoire et de celle des riverains, qu’on a pu apprendre des anecdotes sur tels ou tels lieux que l’on traverse, que l’on sait observer, se montrer curieux des richesses qu’elle nous offre généreusement ?
La première table ronde sur la connaissance des pratiquants a mis en évidence la difficulté rencontrée par tous les acteurs pour recenser les pratiquants qu’ils soient ou non fédérés. Il y a manifestement beaucoup plus de personnes qui pratiquent en dehors des fédérations qu’en leur sein, et il s’avère difficile de les recenser d’où l’idée d’un sondage spécifique auprès des professionnels qui selon André Suchet toucheraient près de 67 % de ces touristes-clients.
Au sein des fédérations, il y a également un travail d’harmonisation à conduire afin que les statistiques de chacune d’entre elles soient comparables. Néanmoins, il nous faudra nous mettre d’accord sur la définition du pratiquant. Le fait de descendre un seul canyon dans l’année est-il suffisant pour être considéré comme pratiquant ?
Voilà un vaste chantier qu’il conviendra de mener si nous voulons vraiment avoir une bonne connaissance de l’ensemble des pratiquants.
La seconde table ronde concernait la sécurité et la formation. Vaste sujet qui a lui seul pourrait faire l’objet de très longs développements. Si l’on peut se réjouir que la cotation des canyons est plutôt bien intégré par les pratiquants et que les stages de formation contribuent à améliorer la sécurité de chacun, des efforts restent à faire pour harmoniser ces derniers dans chaque fédération et développer spécifiquement un volet permettant de prévenir les risques liés à l’eau vive. La prévention est au cœur de nos préoccupations et il convient que chacun fasse sienne la culture du renoncement. Mais pour prévenir, il faut bien connaître les risques encourus, d’où la nécessité de s’intéresser de près aux causes des accidents ou d’incidents. Un travail est actuellement en cours au sein de la CCI. Il est proposé d’étendre ce travail à tous ceux que la question intéresse et qui sont en mesure d’apporter de nouveaux éléments pour faire avancer ce dossier. Il est également proposé de réfléchir à la mise en place d’un stage de secourisme dont l’objectif premier serait de mettre en attente un blessé jusqu’à l’arrivée des secours afin de ne pas aggraver son état. Enfin, la sécurité des pratiquants nécessite de donner des informations claires et simples sur les risques liés à l’activité et à son environnement notamment lorsqu’il y a des barrages en amont du canyon.
La troisième table ronde sur l’accès aux sites et l’environnement a mis en évidence à travers le questionnaire la perception qu’ont les pratiquants de l’impact de l’activité sur le milieu ainsi que des bonnes pratiques. Là encore, il apparait que si c’est indispensable de mener des actions en faveur de l’environnement et de s’investir dans les structures traitant de ces problématiques, il est tout aussi indispensable de communiquer sur celles-ci, de faire preuve de pédagogie et de persuader les pratiquants d’avoir une pratique responsable de l’activité, respectueuse du milieu et des personnes qui le fréquentent.
Notre présence dans les commissions départementales des espaces, sites et itinéraires, la mise en place de l’observatoire pour la pérennisation des espaces, sites et itinéraires, le réseau d’alerte créé par la CCI sont autant de moyens de préserver l’accès aux canyons et de faire reconnaître notre expertise sur ce milieu. Cela met aussi en évidence la nécessité d’être reconnu institutionnellement pour siéger dans ces instances.
Ce qui nous conduit inévitablement à la dernière table ronde qui a abordé la gestion de l’activité. Il y a manifestement, et de manière beaucoup plus aigüe que dans d’autres disciplines un besoin identitaire. Je suis canyoniste et je veux qu’on me reconnaisse pour tel et qu’on ne mesure pas l’importance de mon activité à l’aune des adhérents, ni comme un produit d’appel ou une activité de seconde zone. Je veux surtout que mon activité soit gérer par des gens qui la pratiquent et non par des grimpeurs, des alpinistes, des spéléos ou autres pratiquants d’activité de montagne ou de pleine nature. Dont acte.
Mais ce besoin de se retrouver entre pratiquants, de vivre sa passion n’est-il pas déjà pour une large part satisfait dans des rassemblements comme celui d’aujourd’hui, dans des RIF et autres RIC où on se retrouve pour pratiquer ensemble, pour confronter ses techniques, pour se sentir membres d’une même famille ?
Dans les réponses aux questionnaires, la gestion de l’activité telle qu’elle se pratique aujourd’hui est plutôt jugée satisfaisante, même si certains pensent que la CCI ne communique pas suffisamment et n’est pas aussi ouverte qu’ils le souhaiteraient.
Pourtant personne ne nie les réalisations qu’elle a menée et qui ont indiscutablement apporté une plus value à l’activité. Beaucoup reste à faire, mais ne doit-on pas en premier lieu nous interroger sur notre implication dans nos fédérations respectives avant de reprocher à celles-ci de décider à notre place? Ne doit-on pas préciser ce que nous attendons effectivement des fédérations quant à la gestion de l’activité ? Doivent-elles se substituer aux professionnels, notamment pour les problèmes d’accès ? Les fédérations gèrent en premier lieu l’activité au bénéfice de leurs pratiquants, ce qui est logique, mais cela n’a-t-il pas une répercussion sur l’ensemble des pratiquants? Lorsqu’une fédération ou plusieurs ensembles obtiennent l’annulation d’un arrêté d’interdiction n’est-ce pas toute la communauté des canyonistes qui en profite ?
L’indifférence manifestée par certains, le refus parfois de certains comités départementaux de prendre en compte le canyonisme ont incité certains à quitter le giron des fédérations pour se regrouper dans des associations indépendantes, mais quel est donc le pouvoir de ces associations ? Comment peuvent-elles peser sur la gestion de l’activité ? Qui leur donnera une place dans les instances où se joue l’avenir de l’activité ou au moins sa pérennisation ?
Toutes ces interrogations ont traversé cette table ronde et de nombreuses autres réunions, elles ont conduit les participants à proposer :
>> soit d’agir de l’intérieur pour tenter de rendre plus efficient le système actuel. C’est notamment la proposition de donner davantage de moyens à la CCI, plus d’autonomie et notamment une autonomie financière, de poursuivre un travail de partenariat avec tous les acteurs du canyon tels que les professionnels et les non fédérés.
>> soit d’agir de l’extérieur en proposant de créer une fédération française de canyon. Mais n’est-ce pas prématuré ? est-ce réaliste compte tenu du contexte ? Et quid de ceux qui ne pratiquent pas que le canyonisme ?
Quant à la création d’un regroupement quelque peu informel ou d’une confédération à l’image du comité départemental de pilotage de la Haute Savoie, elles n’ont pas vraiment paru des alternatives crédibles.
Après une analyse plus approfondie des réponses aux questionnaires, notamment en y incluant les résultats de la deuxième phase et la mise en forme du compte rendu de chacune des tables rondes, nous publierons comme nous nous y sommes engagés l’ensemble des actes de ces états généraux du canyon.
Mais plus encore, nous étudierons en CCI les propositions et suggestions qui ont été faites et élaborerons un projet politique répondant aux attentes de nos pratiquants, ce qui devrait profiter également aux non fédérés à qui il appartient de nous rejoindre ou de continuer à exercer leur passion en dehors des fédérations. Personnellement, je suis convaincu que la gestion fédérale de l’activité canyon est la plus efficace pour le développement de la pratique. Mais je comprends aussi ceux qui ne s’y retrouvent pas. La CCI s’efforcera dans la mesure de ses moyens d’être à l’écoute de tous les pratiquants et de satisfaire à ses missions de service public.
Je vous remercie une fois encore de votre participation et de la richesse de nos échanges qui ont impressionné positivement Monsieur le Maire de Louvie-Juzon que je remercie de son accueil.
Jean-Pierre HOLVOET
Secrétaire général de la CCI
C.C.I. – SEPT 2010 -