6 – Le jour J
Il est un peu plus de 6 h du matin lorsque je gare la voiture et les premières lueurs du jour commencent à éclairer l'horizon. Le temps de vérifier une dernière fois le matériel et d'installer du poids sur l'avant des bretelles du sac, j'attaque la montée. J'ai opté de nouveau pour mes bâtons télescopiques de randonnée qui seront laissés en bas du canyon. C'est surtout les genoux qui m'inquiètent pour la descente avec un tel poids. Si tout va bien, 2,5 kg de goujons, plaquettes, corde et maillons seront abandonnés dans le canyon mais la corde de 60 m et la combi néoprène seront chargées d'eau … Ce matin, le ciel est maussade et chargé de nuages. Cela ne me rassure pas mais la météo annonce des orages pour la fin de l'après-midi. C'est surtout l'esthétisme de la descente qui risque d'en souffrir. Du coin de l’œil, je surveille l'heure et surtout le cardio-fréquencemètre. Les battements du cœur ont tendance à rapidement s'emballer avec un tel poids sur le dos. En tout cas, répartir du matériel sur l'avant semble s'avérer une stratégie payante, car mes trapèzes me laissent relativement tranquille, contrairement à mes craintes initiales. A présent, toute mon attention est focalisée sur l'effort et la gestion primordiale de l'énergie. Après quelques minutes de pause pour m'hydrater et avaler une barre de céréales, je reprends ma progression dans la pente. Malgré un rythme plus lent qu'à l'habitude, le dénivelé est avalé assez rapidement et le bas du canyon est en vue. Cachés sous des arbustes, les bâtons m'attendront au retour. A partir d'ici, il ne me reste que deux cent mètres de dénivelé, mais cette dernière montée s'annonce comme la plus difficile. Il me faut gérer l'effort et la respiration pour ne pas monter trop vite dans les tours. Une demi-heure plus tard, le point de départ de mon périple canyonesque est enfin atteint.
Les préparatifs, minutieusement soignés, annoncent le début de l'assaut de la descente. Pour débuter cette aventure, quelques modestes vasques semblent m'inviter. L'eau, d'une fraîcheur saisissante, me dissuade de m'y aventurer, d'autant plus que je n'ai pas de veste néoprène pour me protéger, me contentant de mon k-way. N'ayant plus de place dans le sac, mon kit boule, pendu à mon baudrier et rempli de la corde, entrave mes mouvements et me gêne dans mes déplacements. Ce détail ajoute une contrainte supplémentaire à l'exploration et avec le sol glissant, il m'est impossible d'éviter une baignade involontaire. 50 m plus loin, m'attend la première cascade et le perfo est rapidement à l’œuvre. Cet équipement dans les schistes va demander plus de travail que prévu et m'oblige à casser à coups de marteau des arêtes qui pourraient abimer mon unique corde. Enfin, j'y suis ! Et la rampe est aussitôt dévalée sur une trentaine de mètres. Arrivé sur un seuil en bout de corde, il me faut ressortir le perfo sous les embruns pour placer un deuxième relais et terminer la descente de cette belle cascade. Petite zone de transition et j'aborde le troisième rappel depuis un frêle sapin. En bas, m'attend un ressaut de deux mètres à désescalader et l'obstacle glissant est descendu sans compter une certaine dose de maladresse, m'étalant de tout mon long dans la vasque. Le rappel suivant franchit une vasque suspendue qui parait profonde. Et là, impossible de ne pas me tremper. Tout d'abord sur la pointe des pieds puis finalement par une brasse, j'arrive au seuil de la deuxième cascade. C'est ensuite le moment de profiter d'une petite pause pour capturer l'esthétisme du lieu. Depuis ce matin, le soleil joue à cache-cache avec les nuages et lorsqu'il apparait sa présence à tendance à me rassurer. Je songe alors quelques instants à mon “héliodépendance”. Mais bon, on remettra à plus tard cette “profonde” analyse car un rapide coup d’œil à l'horaire me ramène à la réalité de cette entreprise : cela n'avance pas aussi vite que prévu. Quatre rappels en une heure trente et je n'ai parcouru que le premier tronçon ! Mais il faut équiper, descendre, rappeler et enkiter la corde, topographier et photographier... Il reste dix rappels et le temps pourrait me manquer, d'autant plus qu'il est convenu de déclencher les secours en fin d'après-midi. Reprenant la progression, quelques rampes me conduisent au début du second tronçon tant attendu...
La suite et la fin de ce récit sont en cours de rédaction. Il paraitra plus tard ainsi que la topo dans un topoguide.
En attendant, courageux lecteurs qui êtes arrivés jusqu'ici, il est temps de vous montrer une vidéo de cette aventure.
Et pour ceux qui penseraient que peut-être je suis fou, je leur répondrais : Possibly.
https://youtu.be/05kgcSD_x6o