
Bonjour à tous,
A U Bastone : il n'est jamais trop tard pour intervenir sur ce forum et merci de cet avis local sur un topo de vos canyons insulaires ! !
Votre message « m’interpelle » beaucoup par certaines questions abordées qui me laissent sans vraies réponses et solutions depuis longtemps et sur lesquelles je reviendrai ci-dessous.
Par contre, sans vouloir polémiquer, je trouve certaines de vos remarques "caricaturales" d'une certaine forme de la célèbre « susceptibilité » corse (un de ces nombreux clichés sur les insulaires…) !

Il faut quand même être « retors » et « pervers » pour trouver aux commentaires des auteurs du topo sur Revinda et à leur conseil d’acheter du miel aux locaux une forme de « condescendance » envers les indigènes (cela me rappelle les propos écolos sur les touristes débarquant dans les pays du tiers monde et je ne voudrais pas que la Corse y soit assimilée !!) avec un objectif "d'achat" de la tranquillité locale (une sorte d’impôt révolutionnaire, alors ? cela va devenir compliqué d'acheter du miel à Revinda !)

Quant à la « corsitude », je n’ai jamais compris pourquoi elle serait réservée aux Corses et à eux seulement : personne n’empêchera quelqu’un d’aimer la langue corse si c’est son dada et je ne vois pas en quoi cela vous dérangerait (au fait, pour moi, l’œil c’est ochju et pas oghu, non ? mais je confesse ma grande inculture linguistique, heureusement partagée par beaucoup d’insulaires qui ne parlent pas mieux que moi cette langue et l’écrivent encore moins bien)… Et pour savoir qui est Corse ou non Corse, c’est un vaste débat que j’ai déjà eu l’occasion d’expérimenter dernièrement (mars 2006) lorsque mon site Internet « La Corse sauvage » (non, pas « Le Corse sauvage » !) s’est trouvé brocardé comme « site gaulois » par quelques paolistes en délire sur «
www.pasqualepaoli.com » : j’ai alors pu assister à un débat fratricide entre nationalistes, certains voulant exclure du « peuple corse » tout Corse habitant sur le continent ou exilé à demeure, et d’autres discutant sur le droit du sol et le droit du sang (avec le droit du sol, je peux presque être considéré comme Corse et non comme « pinzutu », tout du moins sur le territoire étroit compris entre le ravin de Laoscella et celui du Saltare ! !). Bref, le « peuple corse » a encore du chemin à faire dans sa définition (comme beaucoup d’autres « peuples » d’ailleurs)
Bon, trêve de plaisanteries et d’ironie facile ! Il est un sujet abordé par U Bastone beaucoup plus intéressant et pas si simple que cela à résoudre, c’est celui de la toponymie locale : comment dénommer les lieux dans un topo ou une description de parcours (canyoning, escalade, randonnée) ? La Corse n’est qu’un exemple symptomatique des problèmes qui se posent aussi en beaucoup d’autres endroits de France, de Navarre et même d’ailleurs !
En ce qui concerne la Corse, je n’ai pas d’opinion tranchée sur le sujet, ou plutôt, malheureusement, j’oscille d’un avis à un autre, ce qui fait que mon site Internet est devenu complètement incohérent sur ce plan, mélangeant allègrement dénominations gauloises (Le Trou de la Bombe, la Dame Jeanne, le Cuvier – pour un Parisien bleausard comme moi, c’est un bonheur que d’utiliser ces noms en Corse, mais cela me semble plutôt anachronique !), dénominations toscanes (Ajaccio, Barccagio, Propriano, Aullène …) et dénominations modernes plus pures (Aiacciu, Vercaghju, Prupria, Auddè… - j’oublie certains accents !).
U Bastone a bien raison de critiquer cet aspect-là dans le sens où il entraîne un embrouillamini pour le lecteur et une complication lorsqu’on veut s’y retrouver.
Mais qu’on nous explique donc comment faire quand on constate les faits suivants :

La tendance de fond est à la « corsisation » des dénominations dans les topos de montagnes corses, initiée allègrement par Quilici/Agresti dans leurs « 100 plus belles » alors que Fabrikant « fabriquait » plus facilement ses propres dénominations dans ses guides antérieurs : l’idée générale était tout de même saine, puisqu’elle partait du constat que ce n’est pas la peine de renommer un site de son propre chef quand il est lui-même dénommé par les habitants et utilisateurs locaux depuis des années ou même des siècles (certes parfois en utilisant une langue différente de la sienne) ! ! !

Sous cette influence, l’IGN a suivi et les cartes éditées depuis le début des années 1980 ont petit à petit intégré les toponymes locaux : ainsi les tours I, II, III, … et tout un tas de sommets de Bavella (Bavedda ?) ont-ils pris des noms locaux beaucoup plus appropriés de mon point de vue (Punta di l’Acellu, Punta di l’Ariettu, Punta di a Vacca, …) mais sans doute avec des erreurs d’orthographe inévitables

Cette tendance s’est dernièrement accélérée et j’ai été surpris de constater qu’un auteur comme Alain Gauthier avait pris le parti d’une toponymie corse stricte dans son dernier ouvrage sur le Littoral corse : alors là, même en étant corse, ce n’est pas sûr que vous reconnaissiez le lieu nommé !

Avec cette dernière tendance, on est confronté à deux problèmes : 1) vous ne retrouvez pas les dénominations sur les cartes IGN que vous utilisez en pratique sur les parcours et il faut une traduction (essayez de retrouver Vercaghju sur la carte IGN du Cap corse !) 2) la stricte toponymie corse n’existe pas, parce que si cette langue (orale par tradition) a trouvé dorénavant une forme d’écriture stabilisée (du moins, c’est ce que j’ai lu), personne ne s’est vraiment accordé sur les toponymes corses et en particulier sur l’orthographe qui fluctue avec d’innombrables variantes et modes (exemple précédent du « edd » au lieu du « ell »)

Les Corse eux-mêmes ont tendance à accentuer cette corsisation qu’ils ont l’air de rechercher, par exemple en rayant systématiquement le toponyme français (toscan ?) sur les panneaux directionnels routiers ou d’entrées de villages pour ne conserver que le patronyme corse pur (ou supposé)

En résultat, l’auteur de topo est bien en peine de sortir une solution viable : actuellement, j’en suis à me dire que le mieux serait de mettre le toponyme corse strict (si tant qu’il existe, qu’on le connaisse et qu’il n’ait pas trop de variantes orthographiques) et de mettre le nom de la carte IGN entre parenthèses à côté si celui-ci est différent.
D’autres avis sur ce sujet (certainement pas restreint à la Corse) et surtout des solutions à proposer ?
